fiches maternelles mathématiques graphisme lecture phonologie sciences à l école arts plastiques affichage pour la classe fiches classées par matières fiches classées par thèmes

Approche pédagogique
pour apprendre à lire


Introduction

Il s’agit d’aborder ici l’apprentissage de la lecture avec un maximum de souplesse. Une approche qui ne veut en aucun cas se figer en méthode. Je propose ici un éclairage simple et sans prétention qui veut tenir compte de la complexité des modes de construction des connaissances selon les individus. S’interroger, donc, sur la « physionomie » structurelle de la langue pour en tirer une approche pédagogique simple et à la portée de tous.
Avant de nous lancer je voudrais partager avec vous deux réflexions :
- Ma première réflexion concerne "l’enseignant". Mes années sur le terrain m’ont conforté dans l’idée que, quelque soit l’approche choisie, le plus important est d’être en parfait accord avec sa pratique. A tout prendre, mieux vaut une pédagogie du « cœur » sereine et légère mais convaincue, qu’une pédagogie de « l’esprit » rigoureuse et rationnelle mais subie (car au fond incomprise).
- Ma seconde réflexion concerne "l’enfant" et veut tenir compte du contexte dans lequel s’inscrit cette pédagogie. Un des éléments clés est la dimension affective qui environne cet apprentissage. Nous devons nous situer résolument du côté de l’apprenant, de son imaginaire et, pour ce qui nous concerne, du côté de sa « perception » de l’écrit ; et cela avant même qu’il ne sache lire. Pour illustrer mon propos, donnons un exemple fort simple autour de la lecture d’un album. Raconter tous les soirs une histoire avec un «plaisir» non dissimulé en tenant bien en évidence, devant soi, l’album (et quand je parle de « plaisir », je pèse mes mots, sinon soyez de bons comédiens et faites « comme si… »), est une clé parmi tant d’autres. La « fascination », n’en doutez pas, est contagieuse. Ainsi se construit l’imaginaire, première source de motivation.

Les limites de la méthode syllabique

Aujourd’hui encore nous devons nous défaire de l’idée trop véhiculée d’une correspondance stricte phonie-graphie. Ne vous y trompez pas ! Le découpage syllabique est un outil précieux pour l’apprentissage de la lecture. Mais une telle méthode appliquée aveuglément est une catastrophe pour l’apprentissage de l’orthographe.
La « syllabique » est avant tout une « méthode ». Séduisante car sécurisante en raison de sa simplicité et ainsi voilée d’une apparence toute scientifique. Mal comprise, elle nous laisse à penser qu’il suffit d’appliquer ses principes de base pour atteindre ses objectifs. Ainsi S et A font « sa », L et A font « la » et D et E font « de » et me voilà armé pour lire le mot « salade ». Mais voilà, dans l’absolu S et A ne font pas « SA » ! Pour s’en convaincre, prenons le mot « saison ». Bien sûr, me direz-vous, mon découpage syllabique est à revoir : « sai/son » et non « sa/ison ». Comment le saurais-je tant que je ne suis pas lecteur et que ce mot ne se réduit encore pour moi qu’à la combinaison toute linéaire de quelques graphèmes ! Pour l’apprenti lecteur, ce passage de la « valeur phonétique absolue » de la lettre « A » à sa « valeur relative » dans un mot « sAison » est déconcertante voire incompréhensible, surtout si dès le départ on a eu la faiblesse, par économie ou par paresse, de lui faire croire à une correspondance stricte phonie/graphie !
Nous le voyons, seule une perception globale du mot permet un découpage syllabique tant nécessaire pour la lecture de ce mot. Ainsi pourrai-je différencier la valeur phonétique de la lettre « A » dans « salade » et « saison ».
Nous retiendrons alors que la faiblesse de la méthode syllabique est de reposer entièrement sur les propriétés phonétiques de notre alphabet et de n’avoir pour base que les lettres et les sons, négligeant la complexité conventionnelle de l’écrit.

Lire c’est comprendre :

L’observation faite dans le premier chapitre est d’autant plus éclatante quand il s’agit des homonymes. En effet, qu’est-ce qui sépare phonétiquement les mots ver, vers, vert, vair, verre ? Rien ! Phonétiquement, seul le contexte dans lequel s’inscrivent ces mots peut nous éclairer sur leur signification. Orthographiquement, seule ma mémoire et ma connaissance du mot m’aide à lui donner un sens et cela hors de son contexte. Nous touchons ici à l’aspect tout arbitraire et absolument conventionnel des mots de notre langue, un aspect lié à une histoire qui s’étale sur des milliers d’années. Voilà pourquoi une dictée de simples mots ne peut se faire hors contexte ; ainsi on ne jouera pas à deviner comment s’écrit tel ou tel mot. Car la première perception du mot est celle qui a le plus de chance d’être retenue. Il est nullement question de jouer ici à un jeu de loterie.
Lire c’est comprendre, mais aussi, se souvenir ; ce n’est certainement pas s’imaginer que notre langue est une simple construction reposant sur des combinaisons dont il faut maîtriser les règles. Plus subtile et plus complexe, notre langue exige que soit donnée dès le départ une juste image d’elle-même. Agir autrement serait tromper l’enfant. Or, ce qui est présenté comme une première vérité est tenace aux yeux de ce dernier…
Gardons en mémoire qu’il n’y a pas ici de « logique » et que c’est pour cela qu’une « méthode » au sens stricte (c’est à dire scientifique) n’est pas envisageable !

Les limites de la méthode globale :

Pour simplifier, nous dirons qu’à contrario de la « méthode syllabique » la « méthode globale » a pour ambition de faire acquérir à l'élève une stratégie de déchiffrage des mots en tant qu'image visuelle indivisible. Cette méthode « idéo-visuelle » fonctionne très bien avec d’autre langues comme le chinois (langue basées sur des idéogrammes) mais fonctionne difficilement avec le français. Négliger la cohérence de la construction des mots, autant phonétiquement qu’orthographiquement, c’est complexifier exagérément l’apprentissage de la lecture. La méthode globale dans ce sens strict fonctionne bien, pour peu que l’on ait une excellente mémoire visuelle. Mais concrètement, comment pourrai-je lire un mot nouveau, très complexe, situé par exemple sur la boîte d’un médicament si celui-ci ne fait pas partie de mon répertoire ? Seule l’application de la méthode syllabique me permettra cet exercice de reconnaissance. D’un autre côté si cette méthode montre d’évidentes limites dans l’apprentissage de la lecture, elle se révèle être un mécanisme nécessaire une fois lecteur. En effet, un bon lecteur ne déchiffre pas mais reconnaît les mots, voire des groupes de mots, seule façon de comprendre ce qu’il lit ! Dans ce cas, la lecture globale se situe davantage en aval qu’en amont de « l’émergence » de la lecture.
Mais rappelons aussi que l’on ne peut totalement faire l’économie de la « lecture globale » et qu’elle apporte une solution aux carences de la lecture syllabique (voir plus haut le passage sur les homonymes et la nécessité d’une perception globale du mot pour un découpage syllabique).

Pour clôturer notre propos, nous conclurons sur la nécessité de concilier la « myopie » de la méthode syllabique et la « presbytie » de la méthode globale dans une dialectique qui dépasse les contradictions…

Pour m'écrire : jpbertomeu@aol.com